PLUS DE MORTS ET DE COMPLICATIONS: EST-IL VRAIMENT PLUS RISQUÉ DE SE FAIRE OPÉRER EN FIN DE SEMAINE?

Tom Kerkour
Le docteur français Jean-Philippe Estrade  alors qu'ils opère un patient à Marseille le 28 janvier 2014.

Le docteur français Jean-Philippe Estrade alors qu'ils opère un patient à Marseille le 28 janvier 2014. - BORIS HORVAT / AFP

Fatigue, équipes moins expérimentées, organisations chamboulées... Plusieurs études, dont une réalisée au Canada et publiée au début du mois de mars, relatent que les patients se faisant opérer en fin de semaine recontrent un risque plus élevé de décès, de complications ou de réadmission.

Un "effet weekend" dans le succès des opérations chirurgicales? Cette interrogation est le point de départ d'une étude publiée début mars dans le Jama Network Open, une sérieuse revue scientifique. Dans cette publication, des chercheurs canadiens ont analysé les données de 429.691 patients adultes de l'Ontario (Canada), qui ont subi une procédure chirurgicale "courante" entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2019.

Entre ceux opérés avant le week-end, majoritairement le vendredi, et ceux opérés juste après, le lundi, il existe un écart notable dans le bon déroulé du parcours de soin.

"Les résultats suggèrent que les patients traités avant le week-end encourent un risque accru de complications", concluent les auteurs de cette étude.

On observe une "augmentation statistiquement significative" des décès, complications et réadmissions. Un étrange "effet week-end", qui vient s'inscrire dans le sillon d'autres articles, comme ceux publiés dans les revues scientifiques BMJ Open en 2013 ou Medical Care en 2017.

"Des différences modestes mais réelles"

Peut-on supposer que ses conclusions sont également vraies en France? Les experts sollicités par BFMTV.com acquiescent. "Cette étude canadienne est de bonne valeur. Elle met en lumière des différences certes modestes (entre les personnes opérées avant le week-end et les autres, NDLR), mais des différences réelles", explique Hubert Johanet, le secrétaire général de l'Académie nationale de chirurgie. "Ces résultats confirment d'autres études et ses conclusions sont applicables à la France."

Le constat est posé: se faire opérer le vendredi pourrait mener, avec une probabilité relativement faible, à des complications. Reste une question encore plus intéressante: pourquoi? Sur ce point, si les auteurs de l'étude ont posé un constat, ils n'ont pas pu dégager de réponse claire.

"Globalement, ce que l'on peut dire, c'est que comme dans tout secteur, il est évident que la fin de la semaine et en particulier la fin du vendredi, ce sont les mêmes équipes, qui sont fatiguées, avec une semaine de bloc opératoire dans les jambes", émet Philippe Cuq, président de l'Union des chirurgiens de France.

Un point à relativiser. Un même chirurgien n'est pas scalpel à la main du lundi matin jusqu'au vendredi soir. En réalité, plusieurs équipes de chirurgiens, anesthésistes, infirmiers se relaient. Et ces professionnels rappellent qu'une partie de leur formation nécessite d'être capable d'opérer au pied levé, à toutes heures du jour et de la nuit, sans que la qualité des soins ne pâtisse. Avec bien sûr toutes les faiblesses humaines inextricables.

L'un des éléments avancés dans cette étude est l'expérience des chirurgiens opérant en fin de semaine: 14 années de pratique en moyenne contre 17 pour ceux qui occupent le bloc en fin de semaine. Avec ce genre de CV, pas de quoi parler cependant de médecins juniors.

"Naturellement, les chirurgiens avec le plus d'ancienneté occupent les vacations plutôt en matinée, en début de semaine (...) Le vendredi, ce sont donc plutôt les jeunes qui arrivent, j'ai pu l'observer en opérant pendant 25 ans en CHU à Paris et dans le privé", schématise le membre de l'Académie de chirurgie.

"On verra ça lundi": petits retards et gros problèmes

"Naturellement", les chirurgiens ont tendance à éviter de programmer des interventions le vendredi. Pourquoi? Car les effectifs présents le week-end sont différents, et les modes de fonctionnement aussi.

La semaine, en cas de problème, le chirurgien responsable peut être consulté. Samedi et dimanche, en cas de gros problème, on se tourne vers un chirurgien présent ou un anesthésiste, pas forcément le responsable du cas. "Et s'il y a des décisions moins importantes, on peut statuer et dire: on verra ça lundi", pointe Hubert Johanet.

Accumulés, ces petits retards dans la prise en charge peuvent mener à des complications. "Si pour 98% des malades, il n'y a pas de problème, il y en a 2% où le fait d'avoir attendu peut se révéler préjudiciable", estime-t-il.

Un autre biais se dessine. Si les professionnels ont tendance à éviter les opérations à ces dates, ceux qui se retrouvent tout de même sur le billard sont donc ceux pour qui il n'est simplement pas possible d'attendre. Des cas plus urgents, plus complexes.

"Je dis toujours en plaisantant, au mois d'août la France est en vacances", compare le chirurgien vasculaire Philippe Cuq. "Quand vous êtes opéré (ce mois-là), c'est que ça ne peut pas attendre. On peut donc imaginer aussi que le vendredi ce soient des choses qui ne peuvent pas attendre."

Beaucoup de "si", de "peut-être" et assez peu de concret. Mais le simple constat d'un "effet week-end" délétère nourrit cune réflexion constante sur la prise en charge des patients. "Le problème n'est pas majeur. Mais il faut se demander pourquoi il existe cette différence et surtout, comment traiter les causes dans chaque établissement, dans chaque équipe", conclut Hubert Johanet.

Tom Kerkour
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